Comment changer de médecin?
Par Isabelle Bergeron, Le Bel Âge
Mauvais diagnostic, informations non communiquées, absence de suivis ou contact difficile… Quand on se demande s’il n’est pas temps de changer de médecin, quels sont nos recours?
Qu’il s’agisse de notre médecin de famille depuis plusieurs années, d’un spécialiste consulté deux ou trois fois, d’un nouveau dentiste, d’une infirmière à domicile engagée récemment, peu importe: on a le droit de rompre notre relation et de chercher un autre professionnel, s’il y a lieu. «C’est sûr, cependant, qu’il est plus facile de changer de pharmacien que de médecin», admet Maître Patrick Ouellet, avocat passionné de droits de la santé… et pharmacien!
On n’a effectivement qu’à changer de bord de rue pour trouver un nouveau pharmacien, comme d’ailleurs avec d’autres spécialistes (dentiste, optométriste, etc.). Si on va de l’avant, il faut toutefois veiller à obtenir ou à faire transférer les informations recueillies sur nous (notre dossier).
Le changement s’avère plus compliqué avec un médecin. S’il s’agissait de notre médecin de famille, on devra s’inscrire au Guichet d’accès à un médecin de famille (qu’on trouve via le moteur de recherche de google.com ou du site de la RAMQ, ramq.gouv.qc.ca), avec les délais que cela implique. Car le médecin avec qui on rompt la relation n’a pas l’obligation de nous référer à un confrère ou une consœur, sauf s’il met lui-même un terme à la relation, ce dont il a le droit. S’il s’agit d’un spécialiste (dermatologue, neurologue, etc.), on devra obtenir une autre prescription d’un médecin. Ce qui n’est pas gagné d’avance non plus. Mieux vaut donc se ménager un temps de réflexion en cas de doute.
Avant de trancher
«Il faut prendre soin de soi avant tout», souligne Maître Ouellet. Si on consultait un spécialiste de la santé, c’était pour un certain problème. Ce problème existe-t-il encore? S’est-on assuré d’être pris en charge si on décide de couper les liens? Notre santé doit primer. Retrouver un nouveau médecin peut s’avérer long, voire presque impossible dans certains cas.
Un autre aspect dont on devrait tenir compte: «La communication! La majorité des gens qui travaillent en santé le font en toute bonne foi et ont à cœur le bien-être de leurs patients. Cela ne veut pas dire qu’ils ne font pas d’erreurs, mais on peut leur communiquer ce qui ne va pas, et ils seront sans doute ouverts à régler la situation.»
Des milliers de gestes médicaux sont posés chaque jour; normal, donc, que des erreurs soient commises, comme dans tous les domaines. Heureusement, la plupart sont sans conséquences majeures pour le patient et peuvent se résoudre. «Il faut garder en tête que tout professionnel qui commet une erreur l’a sur le cœur pendant longtemps, poursuit Me Ouellet. Et il ne cherchera qu’une chose: s’assurer du bien-être de son patient.»
Cependant, comme dans toutes les professions, on compte en santé des gens moins compétents que d’autres, qui communiquent mal ou, malheureusement, dont les erreurs entraînent des conséquences plus graves: retard de diagnostic aggravant une maladie, prescription d’un mauvais médicament, intervention inadéquate, etc. Dans de tels cas, porter plainte est une option à envisager.
Comment s’y prendre?
La Loi sur la santé et les services sociaux ainsi qu’un code de déontologie encadrent la plupart des professions liées à la santé. Par exemple, un médecin n’a pas l’obligation de garantir le résultat escompté – la guérison du patient –, mais il doit utiliser tous les moyens possibles et raisonnables pour atteindre ce but. Il ne peut pas non plus exercer sa profession d’une façon impersonnelle, devant chercher à établir une relation de confiance et à fournir des services adéquats sur les plans scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire. Pour en savoir plus à ce sujet, on peut consulter le site du ministère de la Santé et des Services sociaux (msss.gouv.qc.ca), en tapant Loi sur la santé et les services sociaux dans le moteur de recherche).
Bien entendu, tout manquement à ces devoirs ne mérite pas qu’on porte plainte. Mais si on juge que c’est le cas, il faudra tenir compte de plusieurs éléments. «D’abord, on doit savoir que, dès qu’on dépose une plainte contre un médecin, notre lien avec lui est rompu», explique le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins.
Chaque année, le syndic du Collège analyse à peu près 1800 plaintes (dont 30 % sont liées à la qualité de la communication ou de l’attitude du médecin durant son exercice professionnel). Environ 35 feront l’objet d’une poursuite disciplinaire. «À la suite de quoi on pourra recommander au médecin de suivre un atelier, par exemple sur la communication si celle-ci faisait défaut, explique le Dr Gaudreault. Le médecin peut recevoir un avertissement, voir sa pratique limitée, faire l’objet de la visite d’un enquêteur, etc. L’objectif étant l’amélioration de la pratique de la médecine.»
Si la situation faisant l’objet de notre plainte s’est produite dans une institution de santé, on pourra porter plainte auprès du Commissaire aux plaintes et à la qualité des services de l’établissement concerné. Il aura 45 jours pour rendre son jugement. Si ce dernier ne nous satisfait pas, on peut demander une révision de notre plainte au Protecteur du citoyen (protecteurducitoyen.qc.ca) ou 1 800 463-5070.
Jusqu’à la poursuite
Dans tous les cas, on n’obtiendra aucun dédommagement en portant plainte. Si c’est ce que l’on recherche, on devra être prêt à s’engager dans une poursuite, généralement au civil. Les démarches seront longues et ardues, et nécessiteront de faire appel à un avocat spécialisé.
Il faudrait aussi se poser au préalable ces trois questions successives: Y a-t-il eu une faute médicale? Si oui, en a-t-on subi des conséquences? Et si oui toujours, ces conséquences seraient-elles survenues même s’il n’y avait pas eu de faute? En cas de réponse négative à cette troisième question, et si l’ensemble est prouvé, une entente hors cours est la conclusion la plus commune.
Avant toute plainte ou poursuite, on se renseigne auprès de ressources fiables. Dès qu’une situation nous paraît problématique, on note et on date tout ce qui est dit ou fait, tout en gardant les traces quand c’est possible (échanges de courriels, notes écrites, etc.). Et surtout, on s’assure d’être bien entouré et soutenu par notre entourage.
Qui peut m’aider?
Ces ressources peuvent nous accompagner à travers ce processus:
– Ordres professionnels (opq.gouv.qc.ca/ordres-professionnels ou 1 800 643-6912). L’un des mandats des ordres professionnels est la protection du public. On peut s’y renseigner et déposer une plainte.
– Regroupement provincial des comités des usagers (rpcu.qc.ca ou 514 436-3744). On y trouve une foule de renseignements sur les droits de la santé. En plus d’informer, le Regroupement a un rôle de représentation, de soutien et de formation.
– Conseil de la protection des malades (cpm.qc.ca ou 514 861-5922). Cet organisme qui existe depuis 45 ans informe, conseille, fournit des avis juridiques, exerce des pressions politiques pour l’amélioration du système, etc.
– Fédération des centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (fcaap.ca ou 1 877 527-9339). La Fédération représente 14 des 16 Centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes. On peut y trouver de l’information utile, des conseils, de l’aide si on souhaite déposer une plainte, etc.
– Associations et groupes de soutien (rqmo.org/associations-et-groupes-de-soutien ou 1 888 987-5539). On y trouvera une liste d’associations diverses pouvant nous venir en aide, surtout liées à des conditions médicales particulières. En faisant appel à de tels regroupements, on pourra obtenir du soutien et de l’information, mais aussi comparer notre situation avec d’autres, similaires.
– Vos droits en santé (vosdroitsensante.com). Produit par le cabinet Ménard, Martin avocats, ce site internet est une véritable mine d’informations: droits, jurisprudence, actualités, références, ressources, etc.