Chronique pour les aînés
Évictions en RPA : un flou juridique préoccupant
Publié le 13 août 2025 par Jocelyne Raymond. Journal de Chambly.
Le 6 juin 2024 entrait en vigueur la Loi limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés.
Depuis cette date, il est notamment interdit à un propriétaire d’évincer un locataire pour subdiviser un logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation, et ce, pour une période de trois ans. Ce type de décret, qui retire l’exercice de certains droits pour une période donnée, est nommé « moratoire », vocable utilisé le plus souvent dans les principaux médias.
Dès l’entrée en vigueur de ce moratoire, une interprétation officielle plutôt large concluait à une exemption totale des résidences privées pour aînés (RPA) de l’interdiction d’évincer. Dans une forme plus affirmative, il était donc toujours permis pour les propriétaires de ces résidences de procéder à des évictions, en conformité avec les dispositions du Code civil du Québec.[1]
Le CAAP a cependant constaté qu’il y avait lieu de nuancer cette interprétation après qu’une plainte lui ayant été soumise par une résidente de RPA l’a amené à une lecture plus attentive des dispositions visant ces résidences.
En fait, le règlement prévoit que les propriétaires de RPA peuvent procéder à une ou des évictions, mais seulement à certaines conditions restreintes soit que :
l’éviction vise à changer l’affectation de la résidence, par exemple, cesser d’offrir les « services à la personne, tout en offrant des services de locations résidentiels réguliers »; et la cessation des activités de la résidence, ou d’une partie de celles-ci si l’éviction vise cette partie, a été autorisée conformément à la loi.
Nous nous sommes donc interrogés sur le cas de notre résidente, une dame très âgée, évincée urgemment de son logement, sans qu’elle ait reçu l’avis requis par la loi et sans les indemnités qui y sont prévues, alors qu’aucune cessation de services n’avait été prévue par la résidence concernée, ni autorisée par les autorités. Nous nous questionnons sur la conformité de cette éviction. La personne que nous accompagnons est d’ailleurs en attente d’une décision du Tribunal administratif du logement (TAL) à ce sujet.
Malheureusement, les délais pour des causes non urgentes pouvant s’étirer sur plusieurs mois, il nous semblerait plus approprié d’obtenir une interprétation plus précise de ces dispositions de la loi auprès du TAL, ou que des modifications soient apportées à ces dernières, afin que ce flou juridique n’ouvre la porte à des erreurs, ou parfois, à des abus de pouvoir de la part de certains propriétaires de résidences.
[1] Ces informations ont toutefois généralement disparu des sites officiels à cette date.

Depuis cette date, il est notamment interdit à un propriétaire d’évincer un locataire pour subdiviser un logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation, et ce, pour une période de trois ans.